Un appel à l'action pour des économies bas carbone respectueuse de l'égalité des genres
Des centaines d'intervenants et de participants se sont réunis lors d'un événement en marge de la conférence « Women Deliver 2023 », afin d'examiner comment les gouvernements, les entreprises, les organisations et les individus peuvent « dépasser le stade des belles paroles » et concrétiser les objectifs liés à l'égalité des genres et à la sécurité climatique grâce à des modes de vie et des moyens de subsistance peu polluants et résilients face au changement climatique. Cette déclaration, véritable appel à l'action de la conférence, a été signée par les participants à titre personnel.
Une crise climatique dont nous détenons les solutions
Le changement climatique a causé des pertes et des dommages considérables pour la nature et les populations. Il a affecté des vies et des moyens de subsistance en provoquant la destruction d'habitations et d'infrastructures, la perte de biens et de revenus, et en portant atteinte à la santé humaine et à la sécurité de l'alimentation et de l'eau. Le changement climatique compromet les progrès en matière de développement et amplifie les risques économiques, sociaux et environnementaux, ce qui nuit au bien-être des populations.
Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) – la principale autorité mondiale en matière d'avis scientifiques sur le changement climatique – reconnaît que le changement climatique nuit davantage aux personnes défavorisées, et a des « effets négatifs sur l'égalité des genres et l'équité sociale » (GIEC, 2023).
Les activités humaines émettrices de gaz à effet de serre sont responsables du réchauffement de la planète. Aujourd'hui, le réchauffement moyen de la planète est supérieur de 1,1°C aux niveaux préindustriels. D'ores et déjà, dans de nombreux endroits, les pertes et les dommages liés au climat ont atteint des niveaux intolérables. Les politiques existantes mettent le monde en voie de connaître un réchauffement moyen de 3,2°C. Des réductions d'émissions plus importantes doivent être mises en œuvre de toute urgence dès aujourd'hui, sous l'impulsion des pays et des individus les plus riches et les plus polluants.
Ce scénario concerne un monde où les écarts de développement entre les sexes restent importants et où les droits des femmes sont fréquemment bafoués (WEF, 2023). Malgré les beaux discours sur l'égalité des sexes et les actions en faveur du climat, les gouvernements, les entreprises, les agences multilatérales et les bailleurs de fonds ne font pas preuve d'ambition. En outre, ils ne parviennent pas à respecter leurs engagements en matière d'égalité des sexes, de faible émission de carbone et de résilience au changement climatique.
L'égalité des genres et l'action pour le climat doivent non seulement être considérées comme des priorités à part entière, mais également être intégrées de manière efficace dans les stratégies et dans les pratiques. Si les groupes vulnérables et/ou marginalisés, y compris les populations autochtones, ne sont pas suffisamment impliqués dans l'action climatique et n'en prennent pas les rênes, il est peu probable qu'ils en tirent pleinement avantage. Ils pourraient même faire face à une « maladaptation », c'est-à-dire à une baisse de leur résilience.
Des visions et des actions concertées et intégrées sont nécessaires pour s'adapter au changement climatique, réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer l'autonomie des femmes et des populations marginalisées. Nous, soussignés, plaidons sur la base de preuves et de notre expérience, en faveur d'un leadership audacieux :
Un appel à l'action
Gouvernements, organisations multilatérales, institutions financières internationales, responsables de programmes, organisations non gouvernementales et de la société civile :
• Ne traitez pas indépendamment les objectifs et les politiques d'égalité des genres et de développement bas carbone. Les risques sont trop élevés. Intégrez-les complètement.
• Inspirez-vous des quelques gouvernements pionniers qui ont placé les droits de l'homme, ainsi que les droits des femmes et des enfants, au cœur de leurs stratégies et plans climatiques complets, puis adaptez et développez ces approches innovantes.
• Considérez les pressions environnementales actuelles et la persistance des inégalités comme une opportunité d'innover et de moderniser notre façon de travailler et de consommer.
• Identifiez et mettez en place des actions bas carbone, égalitaires entre les sexes et résilientes au changement climatique, qui restaurent l'environnement dégradé, ses sols et ses cours d'eau appauvris. Dans l'agriculture, la foresterie et les autres « économies vertes » reposant sur la terre, ainsi que dans l'« économie bleue » côtière et marine, cela signifie :
• Élaborez et testez conjointement des options d'intervention réalisables avec les petits exploitants et les communautés, puis élaborez des directives de mise en œuvre propres à chaque contexte).
• Codéveloppez des politiques et des stratégies visant à créer des conditions favorables à un engagement et à une autonomisation véritables des femmes dans les chaînes de valeur.
• Sensibilisez les producteurs et les consommateurs visés à l'aide de principes directeurs, de formations communautaires et de matériel de communication.
• Changez les attitudes et les comportements vis-à-vis du genre et des rapports de force, en accordant une attention particulière aux nouvelles normes et dynamiques de pouvoir qui émergent en réponse à la crise climatique, tout en veillant à ce qu'elles ne lèsent pas les droits des femmes et des groupes désavantagés et qu'elles ne limitent pas leur accès aux ressources.
• Veillez à ce que les structures de gouvernance nouvelles et évolutives destinées à faire face à la crise climatique et aux risques qui s'y rattachent prévoient à la foisune participation équitable des femmes et des groupes défavorisés et des mécanismes de partage juste et équitable des bénéfices.
• Une même solution ne convient pas forcément à toutes les situations. Efforcez-vous de comprendre comment les différents systèmes défavorables aux femmes fonctionnent dans un contexte donné.
• Investissez dans des programmes ou des volets de programmes destinés à renforcer en amont la confiance en soi des femmes et le contrôle qu'elles exercent sur leur propre vie.
• Veillez à ce que les programmes soient financièrement viables au niveau des individus et des ménages, en particulier pour les femmes.
• Investissez dans des programmes scolaires et de formation professionnelle pour des apprenants de tous âges, et en particulier les jeunes générations, de manière à les préparer à un nouveau monde bas carbone, résilient au changement climatique et offrant des emplois de qualité.
• Investissez dans la production de données pour mettre en lumière la participation des femmes et leur contribution potentielle aux filières bas carbone et résilientes au changement climatique.
Secteur privé :
• Soutenez les petits producteurs tout au long de la chaîne de valeur par des initiatives qui encouragent l'associativité : actions collectives et mise en commun des ressources par les petits producteurs afin de valoriser et d'atteindre des normes environnementales élevées.
• Par le biais d'approches ciblées, soutenez l'accès des femmes au crédit, à la terre et aux moyens de production, ainsi qu'aux techniques et technologies qui amélioreront la durabilité écologique de leurs entreprises.
• Mobilisez des fonds auprès de sources qui n'interviennent généralement pas dans le secteur privé, comme les investisseurs d'impact, afin d'aider les petits producteurs à faire des choix écologiques.
• Impliquez les hommes dans les actions d'autonomisation économique des femmes dans le cadre des transitions bas carbone et résilientes au changement climatique.
Les mouvements féministes et LGBTQIA+ :
• Vos connaissances, votre expertise et votre engagement sont essentiels, en particulier aux niveaux national et local, pour garantir que les politiques et les programmes environnementaux ainsi que les réorientations climatiques des systèmes de production favorisent l'égalité des genres et le bien-être des différents peuples.
• Apportez une expertise et des idées constructives sur les questions de genre à tous les stades du cycle du développement résilient au changement climatique : la conception, la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation.
• Exploitez les documents de plus en plus accessibles du GIEC sur les tendances, les impacts et les implications du changement climatique afin de renforcer les compétences des groupes de femmes et de la communauté LGBTQIA+, de manière à en faire des parties prenantes mieux informées dans le cadre de la transition vers une économie bas carbone.
• Si vous ne trouvez pas de documents pertinents sur le climat, mettez en relation votre gouvernement avec des ONG spécialisées et des groupes de réflexion afin de renforcer l'égalité des sexes en matière de connaissances sur le climat.
Financeurs de la recherche :
• Financez davantage la recherche appliquée sur le développement bas carbone, la résilience climatique et les interactions des genres.
[Signé dans l'ordre alphabétique des prénoms]
Ahmed Sourani, Plateforme d’agriculture urbaine de Gaza
Alaa Abu Jayab, Plateforme d’agriculture urbaine de Gaza
Arjan de Haan, CRDI - Delhi
Ayesha Khan, ODI
Bhim Adhikari, CRDI - Ottawa
Elizabeth Tan, ODI
Emma Baker, CDKN et SSN
Gabriela Villamarín Jurado, Quito
Gyanu Maskey, Southasia Institute of Advanced Studies
Julian Vargas Talavera, Fundación IES - Bolivie
Kate Kloppers, CDKN et SSN
Kanchan Lama, expert en matière de genre et d’inclusion, Népal
Karnika Yadav, Intellecap Advisory Partners
Lisa McNamara, CDKN et SSN
Mairi Dupar, CDKN et ODI
Meeta S. Pradhan, Southasia Institute of Advanced Studies
Shehnaaz Moosa, SSN
Srijana Baral, Forest Action Nepal