Réduire les inégalités de genre et concevoir des politiques post-Covid-19 réellement « vertes ».
Les programmes de financement de la relance économique post-Covid-19 offrent une excellente occasion de promouvoir l'égalité des sexes et la durabilité environnementale. Les dépenses publiques, en particulier, doivent corriger les inégalités entre les sexes accentuées par la pandémie et favoriser le bien-être des femmes.
Voilà en quoi consistait le message clair de divers experts de Bolivie, du Malawi, du Népal et du Sénégal lors d'un événement organisé le 23 mars en marge de la 66e session de la Commission de la condition de la femme (CSW66).
Les intervenants étaient des participants du programme GLOW financé par le CRDI et des pionniers en matière d'autonomisation des femmes et de développement durable bas carbone dans leurs pays respectifs. Mairi Dupar, du CDKN, a présidé la session et en fait le compte-rendu ici.
Une pandémie inégale
La pandémie de Covid-19 a durement touché les femmes et les jeunes filles. La Covid-19 a entraîné une série de « chocs » – une crise de santé publique et des répercussions économiques en cascade - qui ont amplifié les effets des inégalités de genre existantes et de l'exclusion sociale dans les sociétés.
Comme l'a souligné Antonio Guterres, le Secrétaire général des Nations unies, :
- Les femmes gagnent moins et occupent des emplois moins sûrs que les hommes.
- Les femmes sont plus susceptibles d'être employées dans le secteur informel que les hommes.
- Les femmes ont moins accès à la protection sociale (comme les congés maladie payés, l'assurance maladie et les pensions) que les hommes et constituent la majorité des ménages monoparentaux.
Cela explique pourquoi les femmes ont été autant frappées par les chocs économiques liés à la pandémie de Covid-19. Elles ont souvent été les premières à subir des licenciements et des suppressions d'emplois. Parallèlement, leur charge de travail non rémunéré dans l'économie des soins s'est considérablement accrue au cours de la pandémie.
L'autonomisation économique des femmes ne permettra pas à elle seule d'atteindre l'ODD 5 (égalité des sexes) ainsi que les objectifs liés de l'ODD 1 (élimination de la pauvreté) et de l'ODD 8 (travail décent). D'autres facteurs sont incontestablement en jeu pour parvenir à l'égalité entre les hommes et les femmes, tels que la nécessité de s'attaquer à la « pandémie de l'ombre » que constitue la violence à l'égard des femmes.. Cependant, l'autonomisation économique des femmes joue toujours un rôle essentiel dans la défense de leurs droits et de leur bien-être.
En ce qui concerne le changement climatique, la pandémie de Covid n'a guère eu d'incidence sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les engagements pris par les gouvernements en matière de réduction des émissions sont encore loin d'être respectés. À cette allure, le réchauffement climatique pourrait atteindre 2,7°C au cours du siècle, bien au-dessus de l'objectif de 1,5°C fixé par l'Accord de Paris. Par conséquent, l'autonomisation économique des femmes doit favoriser un développement bas carbone et résilient au changement climatique.
L'autonomisation économique des femmes : une vision audacieuse et vitale du changement
Il n'existe pas de définition unique de l'autonomisation économique des femmes. Cependant, ONU Femmes propose une définition qui met l'accent sur les points suivants :
- La capacité des femmes à participer dans la même mesure que les hommes aux marchés existants.
- L'accès des femmes aux ressources de production, telles que le crédit, la terre et les ressources agricoles, et le contrôle qu'elles exercent sur ces ressources.
- Le contrôle des femmes sur leur temps, leur vie et leur corps.
- Une voix et une action plus fortes des femmes, une participation plus significative à la prise de décision économique à tous les niveaux, du foyer aux institutions internationales.
- L'accès des femmes à un travail décent (productif, avec des revenus équitables, la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale pour les familles).
Le profil des marchés intéressants pour la population active féminine et le potentiel d'accès des femmes à un travail véritablement décent, c'est-à-dire productif, bien rémunéré et sûr, varient selon les pays et les contextes. Durant le CSW66, il est ressort que :
Au Malawi, des efforts sont en cours pour diversifier les moyens de subsistance des femmes grâce à la culture d'arbres aux fruits comestibles, tels que les arbres fruitiers et les arbres à noix. Ces cultures devraient générer des revenus aux femmes, tout en capturant le carbone de l'atmosphère (bienfait climatique) et en offrant d'autres avantages écologiques tels que la lutte contre l'érosion (important dans le contexte de l'adaptation au changement climatique et de la prévention de la dégradation des sols). Dr Jessica Kampanje-Phiri, maîtresse de conférences à l'université d'agriculture et de ressources naturelles de Lilongwe et Dr Joyce Njoloma, scientifique à l'Institut international d'agroforesterie (ICRAF) au Malawi ont exposé les idées développées ici.
Au Sénégal, l'agriculture est surtout pluviale et généralement peu productive. En permettant aux agricultrices d'accéder à un système d'irrigation alimenté par des énergies renouvelables, on pourrait augmenter leur production et leurs revenus, tout en évitant des émissions nocives de gaz à effet de serre. Le secteur de l'horticulture – les « cultures maraîchères » telles que les fruits, les légumes et les plantes de décoration – pourrait être intéressant pour les femmes, qui utiliseraient alors des systèmes d'irrigation alimentés par des sources d'énergie renouvelables – comme l'explique Dr Laure Tall, Directrice de la recherche d'IPAR-Sénégal.
En Bolivie, l'économie repose depuis trop longtemps sur le secteur minier, dominé par les hommes et polluant, ainsi que sur le gaz naturel, qui génère peu d'emplois. Or, le tourisme durable pourrait constituer une voie véritablement respectueuse de l'environnement et des femmes pour le développement national et les recettes d'exportation. C’est la vision que partage l'Observatoire bolivien du tourisme durable, une nouvelle institution créée par SDSN Bolivia bénéficiaire d'une subvention GLOW, et ses partenaires, a expliqué Lykke Andersen, Directrice Générale. L'initiative vise à développer ce secteur à très faible émission de carbone, qui attire principalement des touristes venant par bus des pays voisins et qui met l'accent sur des activités peu polluantes telles que le cyclisme et la randonnée. L'Observatoire du tourisme durable souhaite particulièrement encourager la création d'emplois de qualité pour les femmes dans le secteur du tourisme.
Au Népal, les femmes entrepreneurs dans les secteurs de la foresterie et de l'agriculture ont été durement touchées par la pandémie. En effet, nombre d'entre elles ont perdu leur emploi. Cependant, les femmes pourraient être formées à l'utilisation des technologies numériques, afin de pouvoir accéder aux informations du marché et mettre en place des pratiques commerciales productives, a déclaré Mani Ram Banjade, du Southasia Institute of Advanced Studies (SIAS). En outre, il est possible d'inciter les gouvernements locaux à donner à certaines de leurs activités féminines plus « traditionnelles » et « symboliques » une orientation plus responsabilisante et plus durable.
Des pratiques pilotes à des stratégies et des investissements éclairés
Tous les projets pilotes de recherche-action décrits ci-dessus, qui sont actuellement en cours grâce au financement GLOW, sont dirigés par des groupes non gouvernementaux et de la société civile. Cela a soulevé une question importante : les politiques et les investissements publics favorisent-ils ou sapent-ils ces initiatives ?
« Les politiques sont-elles vraiment vertes ou s'agit-il d'une opération marketing écologique ? », s'est interrogée Dr Tall, du Sénégal.
Bien entendu, les circonstances varient selon les pays et les localités. Cependant, les intervenants sont parvenus à la conclusion que des changements locaux positifs et des progrès plus importants en matière d'autonomisation économique des femmes et de développement bas carbone peuvent être réalisés si les projets ont des approches multidimensionnelles qui orientent l'action des pouvoirs publics. Il n'existe pas de formule magique.
Par exemple, l'Observatoire bolivien collaborera avec les gouvernements nationaux et locaux pour démontrer les effets bénéfiques du tourisme durable sur l'économie et l'égalité des sexes, ainsi que le renforcement des compétences numériques et financières des femmes entrepreneurs, a déclaré Dr Andersen.
Au Népal, l'approche du projet agricole et forestier est similaire, bien qu'il ait été constaté une évolution vers un gouvernement décentralisé. Les élections locales auront lieu en mai, et « nous pouvons travailler en étroite collaboration avec les dirigeants nouvellement élus et élaborer avec eux certaines politiques et stratégies qui pourraient entrer en vigueur dans les cinq prochaines années. Nous y voyons une occasion d'élaborer et d'influencer des politiques sur le terrain », a déclaré Dr Banjade.
SIAS s'engage également avec des associations de femmes entrepreneurs et des écoles d'agriculture sur le terrain, méthode efficace pour découvrir et faire évoluer les innovations.
Selon Dr Tall, au Sénégal et en Guinée, le projet IPAR « sera très attentif à la manière dont nous ciblons les décideurs politiques ». Parfois, ce n'est pas le ministère que nous devons cibler, mais un organisme spécifique ou des personnes précises qui peuvent faire passer le message ». Elle a noté que l'IPAR a travaillé avec succès dans le passé avec des chercheurs et des décideurs politiques « non issus de la région de l'Afrique de l'Ouest » qui influencent les gouvernements sénégalais et guinéen – dans le cadre d'une stratégie efficace.
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